PUBLIÉ LE 14/12/2009 08:31 - MODIFIÉ LE 14/12/2009 À 10:30

Assassinat de Jérémy Censier : le père se confie

JUSTICE. ALORS QUE LA COUR D'APPEL DE PAU DOIT ÉTUDIER DEMAIN LA DEMANDE DE REMISE EN LIBERTÉ DE L'UN DES PRINCIPAUX SUSPECTS INCARCÉRÉS DEPUIS LE MEURTRE...



Christophe, Carole et Jérémy (à dr.). C'est la dernière photo des trois enfants Censier ensemble. Elle a été prise lors de l'anniversaire de leur maman qui fêtait ses 52 ans à Bagnères-de-Bigorre. Le 22 août, leur univers s'est effondré. Photo DDM, repro

À Saint-Cricq, de nouvelles épreuves attendent la famille Censier qui pleure toujours la mort de Jérémy, assassiné le 22 août 2009 en marge des fêtes de Nay, dans les Pyrénées-Atlantiques. Joël, le papa, policier à Auch, est toujours en arrêt maladie. Son épouse tente de faire « comme si » depuis qu'elle a repris le travail à l'Isle-Jourdain. Christophe et Carole, leurs enfants, également. Mais les câlins réconfortants ne pourront jamais faire revenir Jérémy.

La morsure du désespoir, elle en revanche, ne les lâche pas. Elle se fait plus vive à l'approche de Noël. Et devient quasiment insupportable à chaque rendez-vous imposé par le calendrier judiciaire.

Que va décider demain la cour d'appel de Pau qui doit statuer sur la demande de remise en liberté de Jonathan, le frère aîné du mineur qui s'est accusé d'avoir porté six coups de couteau à Jérémy cette nuit-là ?

Joël Censier aspire à la sérénité des débats. « La justice fait son travail, dit-il. Il faut la laisser poursuivre sa quête. »

Dans la balance : des témoignages de gens qui disent avoir vu le jeune homme participer au passage à tabac sur Jérémy. Mais en l'état actuel de l'enquête, rien n'indique que c'est lui qui a assené les coups mortels. Et en prime, le couteau retrouvé n'est pas celui qui a servi au crime.

Est-ce que ça sera suffisant pour une remise en liberté sous contrôle judiciaire comme celle dont a bénéficié le 17 novembre l'un des trois jeunes mis en examen ? Si oui, le suspect reviendra-t-il à l'Isle-Jourdain où il a grandi, au risque de croiser la famille de sa victime ?

Pour l'heure, Joël n'a que deux solutions pour évacuer cette issue redoutée : le psy, « qui nous aide à sortir cette salissure qu'on a en nous », et l'écriture. Le texte que nous publions ci-dessous est l'expression de sa profonde douleur, mais aussi de son espoir que personne n'oublie Jérémy.

"Je pleure de ne pas avoir été là pour te protéger"
À mon fils,
Nous dépoussiérons les cartons de Noël, pour mettre sur pied les décorations d’une fête que nous nous faisions une joie chaque année anniversaire de fêter en compagnie de nos trois enfants, Carole, Christophe et Jérémy.
Avant eux, nos parents et avant les leurs, nos grands-parents
et tout cela depuis que Noël existe, oserais-je dire depuis les siècles des siècles…

Nos yeux se remplissent de larmes
Nous aurions tant voulu que ce fusse à cause de la poussière… !!!
Mon regard croise celui de Corinne qui me prend dans ses bras comme pour me protéger
Et moi qui me croyais si fort je pleure comme un enfant.
J’aurai tant voulu que ce fusse à cause de la poussière… !!!

Le souvenir de nos trois enfants qui s’activent autour des guirlandes…
Celui de leur rire et de leur bravade pour mettre en place la boule rouge et la bleue…
Le chien qui renifle chaque objet
Et cette maudite poussière qui continue à me faire pleurer… !!!

J’entends le feu de cheminée crépiter et je sors couper du bois…
Dehors, la fraîcheur saisit mes yeux mouillés…
Je sanglote plus fort
J’aurai tant voulu que ce fusse à cause du froid… !!!

A mon retour, je retrouve Corinne qui met la touche finale au sapin
L’étoile ne tient pas...elle est trop lourde…comme chaque année… !!!
Je la vois la dépoussiérer,
Je la vois détourner les yeux comme pour cacher sa tristesse
Et d’un revers de la manche essuyer ses yeux…
J’aurai tant voulu que ce fusse à cause de la poussière… !!!
Sur le bord de la cheminée trônent deux chaussettes rouges…

Mon cœur se serre lorsque je cherche, en vain la troisième que plus jamais je ne verrais suspendue …

Je n’ose pas lui demander ce qu’elle en a fait et je sors…discrètement pour couper encore et encore du bois…

Dehors le froid me saisit les yeux et je sanglote en allant allumer une bougie sur la Tombe de notre Fils

J’aurai tant voulu que ce fusse à cause du froid et de la poussière… !!!
Et je pleure de t’avoir perdu
De ne pas avoir été là au moment où ils t’ôtaient la vie
De ne pas avoir été là pour te protéger
Tout simplement…mon Jérémy

Il me revient en mémoire une prière, mon fils…

Celle que j’ai appris alors que je servais le 8ème. R.P.I.Ma.
Je te la murmure, mon Fils

Toi…. qui ne donne que ce que l’on ne peut obtenir de soi

Donnes-moi, toi, ce qui te reste
Donnes-moi ce qu’on ne te demande jamais.
Je ne te demande pas le repos
Ni la tranquillité
Ni celle de l’âme, ni celle du corps.
Je ne te demande pas la richesse
Ni le succès, ni même la santé.
Tout ça, toi, on te le demande tellement
Que tu ne dois plus en avoir.
Donnes-moi, toi, ce qui te reste
Donnes-moi ce qu’on te refuse.
Je veux l’insécurité et l’inquiétude.
Je veux la tourmente et la bagarre.
Et que tu me les donnes, toi, définitivement.
Que je suis sûr de les avoir toujours
Car je n’aurai pas toujours le courage
De te les demander.
Donnes-moi, toi, ce qui te reste.
Donnes-moi ce dont les autres ne veulent pas.
Mais donnes-moi aussi le courage
Et la force et la Foi.

Car tu es seul à donner
Ce qu'on ne peut obtenir que de soi

Joyeux Noël à vous tous…
Ayez toujours une pensée pour lui
Merci

Joël, son papa


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Publié le 18 Novembre 2009

Béatrice Dillies

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