PUBLIÉ LE 01/09/2009 08:18 - MODIFIÉ LE 01/09/2009 À 10:53
Saint-Cricq (32).

Meurtre de Jérémy : les parents témoignent


Jérémy célèbre son anniversaire, le 19 mai 2008, le jour de ses 18 ans.

Anniversaire, Noël… Joël déplace le curseur sur les fichiers photos classés par date dans l'ordinateur portable de la famille Censier. Jérémy est présent partout. Toujours avec le sourire. C'est cette image que lui et son épouse veulent laisser de leur fils.

Aussi, peu après que leur fils a été tué, lors des fêtes de Nay, ils ont décidé de prendre la parole. Pour parler de ce fils trop tôt disparu, de la polémique sur l'origine ethnique des jeunes qui lui ont ôté la vie le 22 août, mais également des très beaux témoignages qu'ils ont reçus depuis et du réconfort énorme que ça leur procure.

Joël : « Quand on s'est retrouvé le lendemain de l'enterrement au cimetière, des jeunes jouaient de la guitare sur sa tombe et lui disaient des poèmes. Un avait déposé un pot de Nutella car il savait que Jérémy était gourmand. Je me suis dit que mon fils était quelqu'un de bien car il côtoyait des jeunes bien. Je me suis réconcilié avec la jeunesse. Celle que je fréquente en tant que policier n'est pas la plus reluisante. Mais là, j'ai vu des jeunes différents. Je suis reparti le cœur léger. »

Corinne : « Nous avons reçu énormément de témoignages de soutien qui nous ont faits chaud au cœur. En particulier d'un monsieur de 70 ans qui nous a écrit de Paris. Il était à la fête à minuit. Mon fils a été le féliciter car il dansait bien. Ils se sont serré la main. Ce monsieur nous a dit que Jérémy était un jeune très charmant : ça l'a énormément touché. »

Joël : « C'était Jérémy ça. Il avait une facilité déconcertante pour se rapprocher des gens qui ne le connaissait pas. »

Corinne : « Toute cette sollicitude nous a fait beaucoup de bien. Et c'est dur en même temps. Jérémy avait 4 ans quand nous sommes arrivés dans le Gers. On connaît beaucoup de monde, vous pensez, je suis nounou à L'Isle-Jourdain. Alors samedi, beaucoup de gens sont venus nous voir au marché. C'était peut-être un peu tôt pour sortir. »

Joël : « Oui, mais on ne peut pas non plus broyer du noir en restant à la maison. On a tout gardé mais on a tout réorganisé dans sa chambre. On ne veut pas que ça devienne un sanctuaire. »

Corinne : « Oui, je vais reprendre le travail le 6 septembre. Les petits que je garde me manquent énormément. Je veux que cette chambre devienne un lieu de vie pour eux. » Elle repense à Jérémy dans cette chambre et sourit : « Je me souviens. Il me disait : tu veux quoi ? Un bisou ? Non, je suis trop vieux, j'ai 19 ans. » Et puis, plus sombre : « Je lui ai pas dit au revoir. »

Joël : « Mais quand il est parti, il te l'a fait le bisou. Il t'a dit au revoir. Il faut que tu gardes cette image de lui. » Puis, à destination des lecteurs de La Dépêche : « Je n'ai jamais vu Jérémy se battre ni avoir un mot plus haut que l'autre. Il était d'un calme phénoménal. Si je devais le qualifier, je dirais que c'était la force tranquille. »

Enfin, au sujet de la polémique sur les auteurs du meurtre et sur tout ce qui s'écrit sur internet : « C'est un grand réconfort de savoir que 10 937 personnes ont adhéré à la page ouverte sur Facebook en mémoire de Jérémy avec surtout des messages de soutien. Probablement que beaucoup de choses sont mal dites. Quant à moi, je ne veux pas polémiquer. Je veux garder une image saine de tout ça. On n'en veut pas à tous les gitans de la terre. On en veut aux sept personnes qui ont fait du mal à Jérémy. Les forains ont envoyé une gerbe le jour de l'enterrement. C'est pas eux qui lui ont fait du mal. Ils nous soutiennent à leur façon et on les remercie comme les autres. Je ne veux pas de connotation raciste à ce drame. »


«Ne l'oubliez pas»

« La Mort a frappé à notre porte. Pas celle que nous attendons inexorablement, en suppliant secrètement qu'elle ne vienne pas, adjurant même qu'elle se détourne de son objet funeste et finisse par nous oublier… Non… !!!…. Elle eût été trop douce… Celle que des meurtriers ont perpétrée, par absurdité et bestialité, sans se préoccuper du hurlement déchirant causé à l'aube du 22 août 2009 à Saint-Cricq, dans le Gers, lorsque la maman de Jérémy apprenait le crime ordurier dont il venait, quelques heures auparavant, de faire l'objet.

De ce triste jour s'en est suivi un mouvement de pensées considérables que des milliers d'entre vous ont déclenché pour nous soutenir.

Ce fut d'abord les proches, puis les amis, les collègues, les voisins et les anonymes.

Vous êtes si nombreux, encore aujourd'hui qu'il nous est difficile de répondre à chacun d'entre vous sans rajouter à notre douleur incommensurable celle de chaque remerciement que nous vous devons par respect.

Nous bénéficions des services de la presse à laquelle je rends hommage pour leur professionnalisme (...)

Quant à vous toutes et tous, soyez assurés que Corinne, Carole, Christophe, Feu notre fils Jérémy et votre serviteur Joël vous remercient pour tout le soutien que vous nous avez apporté.

Vos actions nous sont allées droit au cœur.

Merci pour lui, ne l'oubliez pas, il venait d'avoir 19 ans… »


Le père, Joël Censier

Propos recueillis par Béatrice Dillies

http://www.ladepeche.fr/article/2009/09/01/663761-saint-cricq-32-meurtre-de-jeremy-les-parents-temoignent.html