Un ancien négociateur du GIGN : «Nous travaillons toujours en binôme»
Corentin Dautreppe | Publié le 11.07.2012, 09h01
| (DR.)
Ancien négociateur pour le GIGN (Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale) de 1997 à 2007, Bernard Thellier a depuis fondé sa société de conseil en gestion de crise, Precognition. Il détaille les démarches pour conduire un forcené à se rendre.
Lorsque vous étiez au GIGN, vous avez rencontré bon nombre de situations impliquant des forcenés. Leur nombre augmente-t-il ?
BERNARD THELLIER. C’est très fluctuant.
Mais depuis quelques années, on perçoit une tendance en hausse sur le nombre et la virulence des forcenés. On a un peu l’impression qu’ils sont de plus en plus déterminés. Et sur les 80 à 100 missions annuelles du GIGN, une bonne partie implique des cas de forcenés. Les prises d’otages restent plus exceptionnelles.
Existe-t-il une négociation type ?
Non, c’est un métier où on doit s’adapter aux personnes qu’on a face à nous. Nous sommes bien sûr formés par le GIGN. Mais ensuite, c’est en fonction de la personnalité du négociateur et du forcené. Pour négocier, il faut beaucoup d’écoute, apprendre à jouer avec le silence pour entendre la version de notre interlocuteur, souvent très différente de celle qui nous est présentée par les autorités.
Pour vous, le forcené n’est pas un criminel ?
S’il sent que nous sommes contre lui et que notre but, c’est de le mettre en prison, la négociation a toutes les chances d’échouer. Nous ne sommes pas des juges. On peut ne pas admettre ce qu’il a fait mais comprendre ses raisons. Un exemple : un homme retenait ses deux enfants en otage dans le centre de la France. Il venait d’en tuer un, provoquant colère et indignation. Je me suis renseigné aussi vite que possible sur son histoire, qui était terrible. Il avait perdu ses jambes, sa femme, son emploi… Au lieu du monstre qu’on m’avait décrit, je découvrais un homme malheureux pour qui laisser ses enfants dans ce monde était intolérable. Il s’est aperçu que je comprenais pourquoi il voulait mettre fin à ses jours et à ceux de ses enfants. Il s’est rendu en moins de trente minutes.
Les échecs dans la négociation sont-ils possibles ?
Oui, bien sûr. Il y a des cas où les troubles psychologiques sont trop importants. Quand on a affaire à un schizophrène, on ne peut pas être sûr qu’il voit ou ressente les mêmes choses que nous. Il arrive aussi que la négociation soit difficile à cause d’une incompatibilité entre le forcené et le négociateur. C’est pour ça que nous travaillons toujours en binôme.
Le Parisien