Port d'armes : un pas important d'Obama?
International | USA | 21 décembre 2012
Une semaine après la fusillade dans une école de Newtown, qui a fait 26 morts dont 20 enfants, Barack Obama a montré à plusieurs reprises sa volonté de réglementer l'accès et l'usage des armes à feu. Une attitude nouvelle, mais qui est encore loin d'être décisive
La fusillade de Newtown a fait bouger les lignes. Après la mort de 26 personnes, dont 20 enfants, la semaine dernière dans une école du Connecticut, Barack Obama s'est dit prêt à réglementer davantage la vente des armes à feu aux Etats-Unis. Pour cela, il a nommé son vice-président, Joe Biden, à la tête d'un groupe de travail sur cette question afin de faire des propositions en janvier. Il a également annoncé qu'il soutenait une proposition de loi démocrate visant à interdire la vente, le transfert, la fabrication et l'importation d'une centaine de modèles d'armes d'assaut. Des armes notamment utilisées par le tueur de Newtown.
Avant sa réélection, Barack Obama s'était pourtant fait discret au sujet de la réglementation du port d'armes. Fin juillet, une tuerie dans un cinéma d'Aurora, dans la banlieue de Denver, n'avait pas modifié les positions du président sortant, trois mois avant le scrutin présidentiel. Le démocrate avait simplement annoncé une réflexion sur ce que les autorités pouvaient faire "face à la violence insensée dont ce pays souffre". Cette semaine, le président américain semblait plus déterminé : "Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir de président pour faire progresser les choses", a-t-il dit. "Si nous pouvons faire quelque chose pour empêcher ces faits, nous avons l'obligation, chacun d'entre nous, d'essayer", a-t-il aussi déclaré.
Le Connecticut, "Etat le plus réglementé"
Le changement d'attitude de Barack Obama peut-il toutefois bouger les choses? Pas sûr. "Il n'a pas le pouvoir de changer les lois, qui sont votées par le Congrès, dont la Chambre des représentants est à majorité républicaine", note pour leJDD.fr André Kaspi, historien spécialiste des Etats-Unis. Qui ajoute : "Par ailleurs, les lois sur la détention des armes à feu relèvent en grande partie des Etats fédérés. Barack Obama peut donc inciter, influer sur le plan moral et politique, mais ce n'est pas entre ses mains que se trouve la décision finale." Si elles sont significatives, les prises de position du démocrate ne seront toutefois pas décisives.
D'autant plus qu'aucune réforme structurelle n'est pour l'heure en débat. Le deuxième amendement des Etats-Unis, qui garantit "le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes", n'est pas ici remis en cause. La proposition de loi soutenue par le président, celle visant à bannir les armes d'assaut, est en fait similaire à celle votée en 1994 sous l'administration de Bill Clinton. Mais celle-ci n'avait pas été renouvelée en 2004, sous George W. Bush. Même avec des nouvelles dispositions visant à limiter l'accès aux armes, ces évènements ne disparaîtront pas. Pour preuve, "l'Etat du Connecticut, où a eu lieu la tuerie de Newtown, est l'Etat où la vente d'armes est le plus durement réglementée", assure André Kaspi.
La NRA toute puissante au Congrès
Légiférer sur ce sujet est également une tâche ardue, pour l'historien. "Il a fallu 12 ans pour arriver à l'amendement Brady, du nom de l'assistant de Ronald Reagan qui avait été grièvement blessé lors d'une tentative d'assassinat du président en 1981", relève André Kaspi. "Le sujet du port d'armes est évoqué depuis l'assassinat de Kennedy en 1963!", poursuit-il.
Selon lui, si les Etats-Unis restent "sous le coup d'une émotion" après la fusillade de la semaine dernière, le débat politique reprendra ses droits en janvier, lorsque seront annoncées les conclusions du groupe de travail de Joe Biden. Le très puissant lobby de la National Rifle Association (NRA), en retrait depuis le massacre, devrait alors faire valoir sa capacité d'influence auprès des élus. "Il attend concrètement les futures propositions, et les combattra", explique André Kaspi, précisant que le groupe de pression a toujours la même attitude face à ces drames : "Pour lui, ce n'est pas le port d'armes qui est en cause, mais la personne qui s'en sert." Même après Newtown, la NRA, qui se porte garante du deuxième amendement et qui bloque presque toute tentative de réglementation depuis plus de 30 ans au Congrès, ne compte pas changer de ligne.
Arnaud Focraud - leJDD.fr
vendredi 21 décembre 2012
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