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| Sujet: Plongées en eaux troubles Jeu 24 Jan - 14:19
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| 23 janvier 2013, par Baptiste Lafferrerie La sonnerie du téléphone retentit dans les locaux de la gendarmerie. À l'autre bout du fil, c'est la police nationale : un individu a disparu en voiture à proximité du Cher. Les soupçons se portent tout de suite sur la rivière : va-t-on retrouver le corps et le véhicule dans ses eaux ? Ça, c'est le quotidien des quatre plongeurs-enquêteurs de la brigade fluviale de Saint-Pierre-des-Corps. En France, ce type de groupement existe dans chaque région, regroupant 250 gendarmes-plongeurs.
Élodie Villers : « Lorsqu'on plonge pour un cadavre, on s'attend toujours à le trouver en pièces détachées » © Élodie Villers Le portail de la gendarmerie s'ouvre, le van de la brigade s'engage sur la route, tractant barge à fond plat et canot pneumatique. Aujourd'hui, le quatuor se rend à Savonnières (Indre-et-Loire), à quelques kilomètres de Saint-Pierre. Ici, le Cher est une véritable décharge camouflée : c'est là que l'équipe de plongeurs retrouve le plus de voitures. Ce à quoi s'ajoutent les chariots, machines à laver et autres objets incongrus.
La brigade peut être mobilisée à tout moment pour la recherche d'objets dans les divers plans d'eau de la région Centre. © Élodie Villers Une fois mise à l'eau, la barge s'avance sur les eaux calmes du fleuve. Sur l'écran de l'écho-sondeur apparaissent en 2D les fonds sableux. Ça y est, un objet à la taille suspecte est repéré. Aussitôt, deux des plongeurs enfilent leur combinaison et se jettent dans le bain, lestés d'environ 50 kg de bouteilles, détendeurs et autres ceintures de plomb. Au fond, l'eau est trouble. La végétation en décomposition a formé une couche épaisse au sol. Dès qu'on la frôle, tout se disperse, brouillant encore plus la visibilité. Equipés de lampes puissantes, les plongeurs réussissent à se repérer et à communiquer entre eux à l'aide de signes. Tout en se tenant prêt à faire la macabre découverte : « Lorsqu'on plonge pour un cadavre, on s'attend toujours à le trouver en pièces détachées », confie Élodie Villers, commandante de la brigade depuis un an et demi. Une voiture est identifiée à quelques mètres. S'approchant, l'un des plongeurs aperçoit le corps du conducteur, gonflé par l'eau, à l'intérieur de l'habitacle. Une fois extrait, il est remonté à la surface puis « conditionné ». La voiture, quant à elle, sera treuillée hors des eaux par un garagiste. Malgré tout, ce type d'intervention ne constitue pas la majorité du travail d'investigation de la brigade : en 2012, elle a comptabilisé 116 interventions dans le cadre d'enquêtes, dont dix pour des corps humains. Un dernier chiffre très variable cependant.
En haut : écho-sondeur et détecteur de métaux sont des outils indispensables pour la brigade. En bas à gauche : la plongée est aussi l'occasion de découvertes incongrues. © Noémie Peyrard Retour à Saint-Pierre. C'est rue Marcel-Cachin, dans la grande bâtisse aux murs blanc cassé qui fait office de gendarmerie, que sont établis les quatre militaires. Leur territoire d'action : la région Centre. Parmi eux et à leur tête, une femme : pour Élodie Villers, être gendarme a toujours été une vocation. La plongée est cependant venue plus tard : originaire du Nord, elle commence par passer un DUT chimie. Son point de mire : travailler dans les laboratoires de l'institution militaire. Également passionnée de natation, elle est titulaire d'un brevet d'État. De fil en aiguille, la voilà gendarme, puis plongeur-enquêteur.
La gendarmerie de Saint-Pierre accueille exclusivement les bureaux de la brigade fluviale, ainsi que des appartements aux étages. © Noémie Peyrard Ces spécialistes des eaux fluviales ont deux compétences : la première, c'est l'investigation dans le cadre d'enquêtes policières. « Il s'agit souvent de cas de personnes disparues ou d'objets qui se retrouvent dans l'eau », expose Élodie Villers. Le reste du temps, la brigade est l'autorité compétente sur toutes les eaux (étangs, rivières, fleuves...) de la région Centre. Elle y contrôle les activités nautiques (bateau-restaurant, structure de location de canoës...). En police de la pêche, elle vérifie également les licences de celles et ceux qui trempent leur ligne çà et là.
Philippe Darbot et Élodie Villers sont tous deux membres de la brigade. © Noémie Peyrard Mais pourquoi s'établir à Saint-Pierre me demanderez-vous ? La ville est quand même loin d'être centrée par rapport à la région. Philippe Darbot y répond simplement : « Parce que ces locaux étaient disponibles à l'époque. » La gendarmerie a été érigée en 1953 afin d'installer un groupement territorial. Mais en 1996, Saint-Pierre passe en zone police nationale. D'active, la bâtisse blanche devient dortoir ; elle accueille désormais exclusivement les gendarmes résidents des treize appartements qu'elle compte dans ses murs. Jusqu'en 2004, où la brigade fluviale pousse sa porte, pose son matériel dans les bureaux du rez-de-chaussée et installe ses membres dans les logements du dessus. Bien qu'ils ne paient pas de loyer, les contraintes sont là : « On se doit d'être disponible absolument tout le temps », rappelle Philippe Darbot.
© Noémie Peyrard Ajoutons, pour justifier l'intérêt de s'installer à Saint-Pierre, que la ville est une plaque tournante : à proximité de l'autoroute, de la base aérienne et des fleuves. Ce qui permet à la brigade de se rendre plus facilement dans tous les recoins de la région Centre. « On a plus de travail ici qu'en zone littorale, estime Philippe Darbot. Et concernant la plongée, on fait tout ce qu'il n'est pas agréable de faire : nager dans des eaux troubles, avec peu de visibilité. » Deux fois par an cependant, ils effectuent des stages au Centre national d'instruction nautique de la gendarmerie d'Antibes. De quoi changer « d'air » dans le Grand Bleu méditerranéen...
http://saintpierredescorps.blog.lemonde.fr/2013/01/23/plongees-en-eaux-troubles/ |
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