Publié le 19/01/2013 à 06h00 | Mise à jour : 19/01/2013 à 11h43
Par Pierre Penin
Bayonne
La famille Olhagaray prête à attaquer les Pompes funèbres pour le transfert cahotique de son parent décédé.
En retard à son propre enterrement : la formule cantonnée au registre de la boutade ou des excentricités posthumes d’une Elizabeth Taylor prête à sourire. Difficile de badiner quand le défunt faisant défaut est de votre lignée. Marie-Hélène Olhagaray a attendu des heures le corps de sa mère, le 11 décembre dernier, pour les ultimes hommages des proches. Les Pompes funèbres de Bayonne devaient acheminer le cercueil jusqu’à Villenave-d’Ornon, destination finale et conforme aux dernières volontés de Marie-Louise Malca. L’affaire devrait trouver une suite en justice.
Originaire de Villenave-d’Ornon, en Gironde, elle vivait depuis presque 5 ans à la maison de retraite Oihana, à Bayonne. C’est là que la dame est décédée, le 7 décembre, à l’âge de 88 ans. « À Bayonne, elle était plus près de nous », indique sa fille, domiciliée à Bassussarry. « Mais elle souhaitait reposer à Villenave, à côté de son mari. » La famille a donc confié le transfert aux Pompes funèbres de Bayonne.
« C’était horrible »
Mais le 11 décembre, jour des obsèques, le cercueil n’arrivera jamais en l’église de Saint-Delphin. « La cérémonie était prévue à 10 h 30. À 10 h 20, on ne voyait toujours rien venir. » Une nièce prend son téléphone et s’enquiert de la situation. Aux Pompes funèbres, on incrimine le brouillard du matin. Le maître de cérémonie, puis le diacre, appelleront à leur tour. La circulation expliquerait finalement le retard. « On nous a promenés. Au standard, on nous disait que personne n’avait le numéro de téléphone du chauffeur. On nous a même répondu que le corps était ‘‘quelque part entre Bayonne et Bordeaux’’. » C’est effectivement la route…
« Vers 11 h 15, on a fini par nous dire que la voiture n’est pas partie de Bayonne ! » La famille, les amis, parmi lesquels des personnes âgées, trépignent. « On a donc décidé de lancer la cérémonie. C’était très dur à vivre pour tout le monde. » La célébration était terminée quand le cercueil est enfin arrivé. « On doutait de tout. On a fait vérifier le nom sur le cercueil pour être bien certain qu’il renfermait le corps de ma mère. C’était horrible. »
La mise en bière, prévue à 11 h 15, a dû attendre 16 heures. « Beaucoup, trop âgés ou tout simplement parce qu’ils travaillaient, n’ont pu y assister. On avait prévu de se retrouver après les obsèques, pour commencer ensemble notre deuil. Mais nous avions tellement été perturbés que ça n’a pas été possible. »
En justice
Les jours qui ont suivi, les Pompes funèbres bayonnaises ont tenté de joindre la famille. « Ça venait de se produire, on était incapable de répondre. Mais nous avons écrit. Deux courriers recommandés. » Pour exiger explications et réparations. « On n’a pas eu de réponse. » Pas écrite. Le directeur de secteur des Pompes funèbres dans le département, Yves Parra, a pris attache avec la famille. Jusqu’à une rencontre, mardi soir, à Bayonne. « On n’a senti aucune humanité », tonne Marie-Hélène Olhagaray.
Le directeur n’a pu que constater « une colère que vous imaginez et que je comprends ». « Mais c’est la première fois que j’entends que l’on manque d’humanité. Notre métier est d’accompagner les gens au moment difficile de la mort : être humain, c’est le cœur de notre métier. » Yves Parra concède « une erreur ». Laquelle ? « Je ne commenterai pas ce point », élude-t-il.
Le professionnel souligne les « 3 000 cas traités chaque année » dans les Pyrénées-Atlantiques, pour « un nombre infime » de réclamations. « Mais nous travaillons dans un domaine où la charge émotionnelle est telle qu’une erreur est très marquante. »
Gérard Fort, l’avocat de la famille Olhagaray, certifie qu’« en 40 ans d’exercice, c’est la première fois qu’(il) croise pareille affaire ». « Pour moi, c’est une grande première. Ca le sera certainement aussi pour la juridiction qui aura à évaluer le préjudice moral causé parce qu’il faut appeler une erreur professionnelle. » Le conseil a lancé une assignation devant le tribunal de grande instance de Bayonne. À moins d’un arrangement amiable encore possible.
http://www.sudouest.fr/2013/01/19/des-obseques-celebrees-sans-corps-ni-cercueil-939559-4015.php